Bouche, réification, malédiction et pleurs… Tout est dit… Sur ce pont qui vient de nulle part et se dirige Dieu seul sait où, un personnage asexué est transformé en objet, pris dans un cyclone de couleurs vives. Il a peur d’avancer. Il a peur de reculer. Il a peur de se jeter par- dessus la balustrade. Il est transformé en objet voué aux caprices d’éléments incontrôlables. Ses trois bouches maudissent son sort. Ses trois yeux pleurent. Il est seul à ressentir cette oppression, car les deux personnages, masculins, qui le suivent, à l’arrière, semblent indolents et inconscients de tout danger. Même si les quatre versions de ce tableau ont été peintes entre 1893 et 1917, on s’accorde, aujourd’hui, à associer ce coucher de soleil flamboyant aux cendres émises lors de l’explosion du volcan Krakatoa le 27 août 1883. Munch avait initialement intitulé ses tableaux en allemand Der Schrei der Natur : le cri de la nature. L’artiste écrira dans son Journal, le 22 juillet 1892 : « Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout d’un coup le ciel devint rouge sang – je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété – je sentais un cri infini qui se passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. »
Louis Doucet, février 2013
|
|
TEXTE
|
AUTRES TABLEAUX > La Joconde de Léonard de Vinci
|
AUTEUR
|